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de Robinson Crusoé.

Je vis d’abord qu’il s’agissoit de la servant de sa défunte mère, qui étoit la seule femme chrétienne qui fût dans l’île. Là-dessus je l’exhortai à ne pas faire une chose de cette importance précipitamment, & seulement pour adoucir la solitude où il devoit se trouver dans l’île. Je lui dis que j’avois su de lui-même, & de la servant, qu’il avoit du bien considérablement, & des amis capables de le pousser dans le monde ; que d’ailleurs cette fille n’étoit pas seulement une pauvre servante, mais que son âge n’étoit pas proportionné au sien, puisqu’elle pouvoit bien avoir vingt-sept à vingt-huit ans, au lieu qu’il en avoit à peine dix-huit ; que par mes soins il pouvoit bien-tôt sortir de ce désert, & revenir dans sa patrie, où certainement il se repentiroit de son choix précipité ; ce qui les rendroit dans la suite malheureux l’un & l’autre.

J’allois en dire d’avantage, quand il m’interrompit en souriant, pour me dire avec modestie, que je me trompois dans ma conjecture, & qu’il n’avoit rien de tel dans l’esprit, se trouvant dans des circonstances assez tristes, pour n’y pas mettre encore le comble par un mariage mal assorti ; qu’il étoit charmé de mon dessein de le faire retourner dans sa patrie ; mais que mon voyage devant être de longue haleine, selon toutes les apparences, & très-hasardeux, il ne me