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de Robinson Crusoé.

pensez-vous que je n’aurai pas employé mon tems quand je devrois être enterré ici ? Le salut de tant d’ames ne vaut pas seulement toute ma vie, mais encore celle de vingt autres de ma profession. Oui, oui, monsieur, je bénirois toujours Jésus-Christ & la sainte Vierge, si je pouvoir être le moindre instrument du salut de tant d’ames, quand je ne devrois jamais revoir ma patrie. Mais puisque vous voulez me faire l’honneur de m’employer à ce saint ouvrage, ce qui me portera à prier pour vous tous les jours de ma vie ; j’espère que vous ne me refuserez pas une seule grâce que je vous demanderai ; c’est de me laisser Vendredi, afin de me seconder, & de me servir d’interprète ; car vous savez que sans un pareil secours il m’est impossible d’entrer en conversation avec ces pauvres gens.

Je fus fort troublé à cette demande, ne pouvant pas me résoudre à me séparer de ce fidèle domestique, pour plusieurs raisons. Il avoit été mon compagnon dans tous mes voyages, non-seulement il étoit plein de franchise, mais il m’aimoit avec toute la tendresse possible, & j’avois résolu de faire quelque chose de considérable pour sa fortune, s’il me survivoit, ce qui étoit très-présumable. D’ailleurs, comme je lui avois fait embrasser la religion protestante, il auroit couru