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de Robinson Crusoé.

nouveau dans le monde. C’étoit comme une véritable maladie ; & sur-tout le desir de revoir mon île, mes plantations, la colonie que j’y avois laissée, ne me laissoit pas un moment de repos ; c’étoit l’unique sujet de mes pensées pendant le jour, & de mes rêves pendant la nuit ; j’en parlois tout haut, même quand je ne dormois pas, & rien au monde ne me l’ôtoit de l’esprit ; tous mes discours se tournoient tellement de ce côtélà, que ma conversation en devenoit ennuyeuse, & je me donnois par-là un ridicule dont je m’appercevois fort bien sans me tenir en état de l’éviter.

Au sentiment de plusieurs personnes sensées, tout ce que le peuple raconte sur les spectres & sur les apparitions, n’est dû qu’à la force de l’imagination déréglées & destituées du secours de la raison ; ces promenades des esprits & des lutins, sont de pures chimères. Le souvenir vif qu’on a quelquefois de ses amis, & de leurs discours, saisit d’une telle manière l’imagination dans certaines circonstances, qu’on croit les voir réellement, leur parler, & entendre leurs réponses. C’est ainsi, selon ces habiles gens, que le cerveau frappé peut prendre l’ombre pour la réalité même.

Pour moi je puis dire que jusqu’ici je ne sais point, par ma propre expérience, s’il y a véri-