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Voyages

une autre où étoit Seneque, Zenon, Crisipe ; Confucius, Pline, Montagne, Erasme, & plusieurs autres pilosophes dont les noms doivent être fort indifférens à mes lecteurs. J’ai peine à concevoir, dit l’un d’eux, pourquoi, dans presque tous les mondes, la plupart des hommes sont toujours combattus par de folles passions & des réflexions sages, pourquoi ils emploient des vues si longues pour une si courte durée, tant de science pour des choses vaines & inutiles, & tant d’ignorance sur les plus importantes ; pourquoi cette ardeur pour la liberté & cette inclination à la servitude ; pourquoi enfin ils ont une si forte envie d’être heureux, & une si grande incapacité pour le devenir.

C’est, reprit un de ces philosophes, que leur prétendue sagesse n’est point un effet de leur raison, & qu’il n’appartient qu’à la raison de gouverner les hommes & de régler leur conduite. Le genre humain devroit gagner à s’instruire ; mais si les siècles éclairés sont aussi corrompus que les autres, c’est que la lumière ne peut encore s’y répandre également ; qu’elle est concentrée dans un trop petit nombre d’esprits, pour que les rayons qui s’en échappent aient assez de force pour pouvoir découvrir aux ames communes l’attrait & les avantages qu’on tire de la science & de la vertu comparées aux dangers du vice : la culture de l’esprit, l’exer-