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Voyages

ceaux de l’Enéide de Virgile & des Métamorphoses d’Ovide. Je suis charmée, reprit Monime, de le connoître ; je me souviens d’avoir lu quelques-uns de ses ouvrages qui m’ont fort amusée, & je suis très-persuadée qu’il vaut lui seul tous vos sages.

Monsieur, dis-je à Scaron en m’avançant vers lui, voici une belle dame qui vous préfère à tous les sages. Madame m’honore beaucoup, reprit Scaron, mais, je puis l’assurer que je n’ai jamais composé aucun de ces gros volumes qui tendent à prouver que la maladie, les douleurs, ni les souffrances, jointes au manque de fortune, ne doivent point altérer la gaieté du sage. Cependant, dit Monime, vous étiez en état de le prouver beaucoup mieux qu’un autre, puisque tous vos ouvrages sont une preuve bien convaincante que vous avez toujours conservé, au milieu d’une infinité de maux, cette gaieté & cette patience qui est la meilleure espèce de sagesse, ou pour mieux dire, la seule qu’il y ait ; car qui peut se vanter d’être assez indépendant de la nature pour n’en craindre aucune surprise ? Mais, par malheur, malgré tous les savans discours de vos philosophes, s’ils vouloient parler de bonne foi, ils avoueroient qu’elle conserve toujours ses droits, qu’elle a ses premiers mouvemens qu’ils ne lui peuvent jamais ôter, à moins d’en faire de vrais automates montés à