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de Milord Céton.

nous assura qu’il avoit toujours été plus grand par son esprit & par ses talens, que par les dignités dont il a été revêtu.

En sortant de cette salle, nous passâmes dans une longue galerie qui distribue les appartemens des philosophes qui habitent ce palais, dont chacun ne consiste qu’en une chambre & un cabinet. Dans un de ces appartemens étoit Homère, qui nous parut fort occupé à corriger son Iliade ; nous crûmes d’abord qu’Aristote lui servoit de secrétaire : mais le génie s’appercevant de notre erreur, nous apprit qu’Aristote avoit porté la lumière dans les ténèbres de la nature & de l’art, il est le père de la critique ; le tems dont la justice est lente, mais sûre, a mis enfin la vérité à la place de l’erreur ; il a brisé les statues du philosophe, mais il a confirmé les décisions du critique ; destitué d’observations, il a donné des chimères pour des faits ; formé dans l’école de Platon, & dans les écrits d’Homère, de Sophocle, d’Euripide & de Thucidide, il a puisé ses règles dans la nature des choses, & dans la connoissance du cœur humain, il les a éclaircies par les exemples des plus grands modèles. Deux mille ans se sont écoulés depuis Aristote ; les critiques ont perfectionné leur art, cependant ils ne sont point encore d’accord sur l’objet de leurs travaux. Le vrai critique ne peut se dissimuler que sa tâche ne fait que commencer ;