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Voyages

il suffira de vous dire que j’y ai vécu dans l’obscurité d’une vie privée ; une maison isolée formoit tout mon domaine.

C’est-là où j’ai commencé à réfléchir avec un peu plus de tranquillité sur les objets qui m’environnoient autrefois ; j’ai trouvé que la raison humaine, en examinant à loisir les détails & les vicissitudes de la vie, jointes à la nature des secours qu’elle peut emprunter du monde pour la rendre heureuse, est incapable de se procurer une félicité réelle, indépendante des coups du sort, & entièrement convenable à nos desirs les plus naturels, & au but pour lequel nous sommes créés ; & je compris alors qu’un bon air à respirer & les alimens les plus simples étoient suffisans pour soutenir notre vie, & qu’il ne falloit que des habits propres à nous défendre des injures de l’air, avec la liberté de prendre autant d’exercice qu’il en faut pour conserver la santé.

J’avoue que les grandeurs, l’autorité & les richesses peuvent nous procurer des plaisirs & beaucoup d’agrémens ; mais, d’un autre côté, ces plaisirs influent terriblement sur nos passions, & semblent pour ainsi dire fertiliser notre ambition & notre orgueil, notre sensualité ou notre avarice ; & ces dispositions de notre cœur, criminelles en elles-mêmes, contiennent les semences