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de Milord Céton.

miers principes de la nature, ne rougissent point de reconnoître l’amour pour le mobile de toutes choses : l’amour, je veux dire cet amour honnête qu’on prendroit volontiers pour de la simple amitié ; cet amour, dis-je, est la règle & le frein des penchans de la nature ; c’est par lui, qu’excepté l’objet aimé, un sexe n’est plus rien pour l’autre. On doit supposer à l’amour plusieurs qualités estimables sans lesquelles on seroit hors d’état de les sentir. Les Abadiennes se livrent souvent à ces plaisirs ; elles font gloire d’aimer, non de cet amour fougueux & inconstant que les sens enfantent & qui disparoît lorsqu’il commence à s’affoiblir ; mais d’un amour tendre & solide que le cœur inspire, que la raison & l’honneur dirigent, & qui ne peut jamais diminuer par la certitude d’être aimé ; la vérité règne dans leurs cœurs ainsi que sur leurs lèvres ; elles ignorent l’art criminel de tromper & de feindre un amour qu’elles ne ressentent pas, & méprisent souverainement quiconque abuse de la foiblesse d’une amante crédule.

On peut donc croire que le véritable amour est le plus chaste de tous les liens ; son feu fait épurer les penchans naturels, en les concentrant dans un seul objet. Le cœur vraiment épris ne suit point les sens, il les guide & couvre leurs égaremens d’un voile délicieux. Cet amour toujours timide & modeste, loin d’arracher des faveurs, ne cherche qu’à