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de Milord Céton.

si elle eût voulu me faire honte des combats qu’il me falloit rendre pour adhérer à des sentimens si contraires à mes desirs, Cléontine, sans faire semblant de s’appercevoir du trouble où j’étois, poursuivit ainsi : ne vous ressouvenez-vous pas, ma chère Floride, d’avoir entendu dire à Clitandre qu’on pouvoit distinguer trois sortes d’amour parmi les hommes, l’un grossier & bas qui leur est commun avec les animaux ; ce premier n’est conduit que par l’attrait du besoin & du plaisir : le second, pur & céleste, nous rapproche des dieux ; celui-là est, je crois, la peinture de l’amitié vive & tendre : le troisième, qui participe des deux premiers, & tient le milieu entre les dieux & les brutes, semble plus naturel aux hommes ; parce qu’il est le lien des ames, cimenté par celui des sens. Je voudrois bien savoir, ajouta Cléoutine, auquel des trois sortes d’amour mon amie donneroit la préférence.

Étourdie de cette question trop subtile pour mes foibles lumières, je ne balançai pas à donner mon suffrage en faveur du second amour. Vous êtes vaincue, ma bonne amie, s’écria Cléontine en m’embrassant avec une espèce de transport qui me surprit, vous cédez enfin à la tendre amitié, J’avoue, repris-je qu’il est impossible d’y résister lorsque c’est vous qui entreprendrez d’en faire valoir les droits.