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Voyages

m’a remis le soin de contribuer à son bonheur ; & moi comptant sur votre amitié, j’ai tout promis en le flattant d’une heureuse réussite.

Ah ! Cléontine, m’écriai-je, à quelle épreuve mettez-vous le prix de la vôtre ? Faut-il donc que je sacrifie Filidor, son amour, ma tendresse, ou que je perde sans retour une amitié qui m’est si chère ? Non, vous ne la perdrez point, reprit Cléontine, je connois votre cœur beaucoup mieux que vous ne le connoissez vous-même, l’amitié triomphera de l’amour, & je vais annoncer à mon père que mon amie consent enfin de le rendre heureux, pour que nous joussions d’avance du plaisir que nous nous proposons de passer ensemble le reste de nos jours. Arrêtez, lui dis-je, donnez-moi au moins le tems de respirer. Qu’avez-vous à m’objecter, reprit cette chère & tendre amie ? J’avoue qu’étourdie de sa vivacité, rien dans ce moment ne se présenta à mon esprit qui pût combattre ses raisons ; l’empire qu’elle s’étoit acquis sur mon cœur, cette éloquence naturelle qu’elle emploie toujours avec succès lorsqu’il s’agit de persuader ceux qu’elle entreprend d’amener à son sentiment, en les transformant pour ainsi dire en elle-même : tout cela, dis-je, m’ôta la force de répondre.

Cléontine s’appercevant que j’étois restée dans un morne silence, redoubla ses caresses ; & comme