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de Milord Céton.

dans la vôtre : mais, ma chère, vous n’ignorez pas que l’amitié, ce sentiment si pur, ne fonde lui-même ses préférences que sur l’intérêt personnel. La naissance, la fortune, les talens, la jeunesse & la beauté, ne sont que l’effet du hasard ; ce sont néanmoins tous ces agrémens réunis qui nous rendent aimables : mais ce n’est encore que le canevas de la tapisserie, la broderie en fait tout le prix ; on aime en nous tous ces dons, on les confond avec nous-mêmes, nous ne devons donc pas nous flatter des distinctions qu’on nous donne, il ne faut les regarder que comme une monnoie dont l’alliage fait souvent toute la consistance, & qui perd plus ou moins de sa valeur au creuset ; c’est à ce creuset que je veux mettre la vôtre. Vous savez, ma chère Floride, la tendresse que mon père a toujours eue pour moi ; vous l’avez partagée cette tendresse ; & loin d’en être jalouse, elle n’a jamais fait qu’augmenter celle que j’ai pour vous. Cléonbule n’ignore pas la passion de Filidor, mais il ignore qu’il est payé d’un tendre retour, & il ne peut voir passer dans les bras de son rival l’objet de son amour, sans la plus vive douleur ; son cœur, oppressé par le chagrin qu’il en ressent, n’a pu résister aux pressantes sollicitations que je n’ai cessé de lui faire pour l’engager à me découvrir ses peines : il s’est enfin résolu de les répandre dans mon sein ; sûr du vif intérêt que j’y prendrois, il