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Voyages

desirs. Ma chère Floride… Hélas !… Que vais-je lui dire ? Aurois-je été capable d’un aussi grand sacrifice ? Cependant je l’exige. Oui, chère & tendre amie, j’exige de votre amitié que vous renonciez aux sentimens que vous a inspirés l’amour de Filidor, pour couronner celui de mon père, en faisant son bonheur & le mien, & j’ose me flatter qu’il pourra faire aussi le vôtre.

Je sens, continua Cléontine, que ma conduite est contraire à la délicatesse, pardonnez-la en faveur d’un père que j’adore, & qui ne pourroit vivre s’il avoit le malheur de vous voir entre les bras d’un autre ; je connois votre vertu & ne dois point craindre de vous précipiter dans des malheurs sans ressource : mon père vous aime, & la passion qu’il a pour vous ne pouvant être affoiblie par aucune autre, elle en devient plus forte & ne trouve point de contrepoids pour l’affoiblir. La raison qui gouverne, lorsqu’elle est seule, n’est pas assez forte pour résister au moindre effort ; il n’y a que des ames de feu comme la vôtre, qui sachent combattre & vaincre : tous les grands efforts & toutes les actions sublimes sont leur ouvrage, le sacrifice que je demande est digne de vous, & digne de notre amitié ; c’est, me direz-vous peut-être, une prétention bien ridicule de se croire aimé pour soi-même. J’avoue que mon amitié est fort intéressée, c’est mon bonheur que je recherche