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de Milord Céton.

mes plus tendres années mon cœur se confondit dans le vôtre, je ne sus plus aimer & sentir que par vous, vous réglâtes tous mes sentimens, & je n’ai vécu jusqu’à présent que pour être votre amie ; avant même votre union avec Clitandre, je vous consultai sur la passion de Filidor ; il est jeune, bien fait, il a de la vertu, des mœurs, il est honnête, attentif, complaisant, il m’aime ; mon cœur étoit libre lorsqu’il m’a adressé ses feux : que vous dirai-je ? J’en ai senti la contagion, & n’ai pu lui refuser une portion de ce cœur, que sans lui vous possèderiez encore seule. Mais que dis-je ? Ce cœur n’est point partagé, puisque vous régnez également dans le sien ; & pour dissiper entièrement vos soupçons, apprenez que le père de Filidor doit faire dans peu les propositions de notre mariage, ma mère y consent, & j’ose me flatter qu’il sera bientôt conclu ; ainsi, ma chère Cléontine, ne craignez pas que je trahisse jamais des sentimens que la délicatesse m’inspire, en consentant à une union que je redoute plus que vous, & je vous jure… Arrêtez, cruelle, reprit vivement Cléontine, que ce fatal serment ne devienne pas l’instrument de mes maux. Ah ! Floride, que vous entrez mal dans mes sentimens. Est-ce ainsi que vous connoissez la force de l’amitié ? Qu’elle raison aurois-je de craindre votre union avec mon père ? Elle seule au contraire peut combler mes