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Voyages

osez soupçonner Cléonbule d’une foiblesse injurieuse à sa gloire & à la mienne ? Pourquoi ce soupçon seroit-il injurieux à mon père ? Pourquoi le seroit-il à vous-même ? C’est, dis-je, que Cléonbule a trop de raison pour s’attacher à une personne qui ne peut être à lui. Vous connoissez bien mal l’amour, dit Cléontine, si vous croyez qu’il se laisse toujours guider par la raison : mais ce ne seroit jamais ce qui prouveroit l’abus que mon père en feroit, puisqu’il trouveroit en vous un sujet aussi digne de remplir tous ses desirs : mais vous, ma chère Floride, qui pourroit donc vous empêcher de répondre aux sentimens de Cléonbule ? Votre cœur est il si fort attaché à Filidor, que rien n’en puisse plus rompre les nœuds, & m’en auriez-vous pu faire un mystère, moi qui vous ai toujours découvert jusqu’à mes plus secrètes pensées ?

Hélas ! Cléontine, m’écriai-je avec douleur, que vous abusez du pouvoir que vous vous êtes acquis sur mon ame ! Moi, vous cacher quelque chose ! L’aurois-je pu ? & ne serois-je pas indigne de votre amitié, si j’en étois capable ? Ne vous ai-je pas fait part des tendres sentimens que Filidor a toujours eus pour moi ? Cent fois je vous ai entretenue de sa passion & ne vous ai point caché que j’y étois sensible ? Pourquoi feindre de l'ignorer ? Cruelle amie, ajoutai-je, le premier de mes sentimens n’a-t-il pas été celui de vous aimer ? Dès