Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 18.djvu/316

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
310
Voyages

mais, en me regardant, ses yeux se mouillèrent : je vois, ma chère Floride, que vous devinez une partie de mes maux ; ses soupirs étouffèrent sa voix.

Cléonbule qui avoit sans doute craint d’irriter son désespoir en me faisant d’abord le récit de ce qui en étoit l’objet, m’apprit en peu de mots que pendant la route de Clitandre, son cheval s’étoit cabré & l’avoir précipité dans un abyme, que cette chûte lui ayant fracassé tout le corps, il étoit mort en peu de jours de ses blessures : je vous ai envoyé chercher, ma chère fille, ajouta Cléonbule, pour m’aider à consoler votre amie, & à apporter aussi quelque soulagement à mes maux. Hélas ! Monsieur, m’écriai-je, de quoi suis-je capable, sinon de m’affliger avec vous ? Je sais, dit Cléonbule, que les consolations indiscrètes ne font qu’aigrir les violentes douleurs : l’indifférence & la froideur trouvent aisément des paroles, mais la tristesse est le vrai langage de l’amitié ; le vulgaire ne reconnoît point les violentes afflictions, & les grandes passions ne germent presque jamais dans les ames foibles.

J’envoyai prier ma mère de me permettre de passer quelques jours avec mon amie ; non-seulement elle me le permit, mais elle se fit encore un devoir de venir partager notre douleur. Cléonbule ne nous quittoit point, & quoiqu’il fût lui-même