CHAPITRE V.
Suite du Triomphe de l’Amitié.
Déjà plusieurs jours s’étoient passés sans avoir reçu aucune nouvelle de Cléontine, je la croyois arrivée dans le gouvernement de Clirandre & je commençois à murmurer de son silence, lorsque je reçus un billet de Cléonbule qui m’invitoit à me rendre auprès de sa fille le plutot que je pourrois ; j’y courus à l’instant : mais comment vous peindre l’excès de ma douleur, lorsqu’en entrant dans l’appartement de mon amie j’apperçus le père & la fille plongés dans une affliction que je ne puis décrire ! Saisie, les jambes tremblantes, je restai immobile, & respirant à peine, je n’eus pas la force de prononcer un seul mot ; tout gardoit un morne silence, un funeste pressentiment me fit soupçonner que quelque accident fâcheux ne fût arrivé à Clitandre ; je fis un mouvement pour m’approcher de Cléontine, qui levant les yeux vers le ciel, les laissa enfin tomber sur moi : le désespoir y étoit peint, son regard avoit quelque chose d’égaré qui me glaça d’effroi ; alors je saisis ses deux mains que j’arrosai de mes larmes ; les siennes n’avoient point encore coulé,