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Voyages

pondre : mais Cléonbule qui lisoit dans son cœur & qui pénétroit tous les motifs de ses craintes, le rassura : vous ne devez pas craindre, lui dit-il, que je veuille jamais contraindre les inclinations de ma fille ; mon pouvoir ne s’étend pas jusqu’à la forcer de s’unir à un homme qui ne pourroit toucher son cœur ; ce n’est donc que vous, dont je connois la probité, que je puis consulter sur cet article. Votre peu de fortune ne doit pas être une raison assez puissante pour vous éloigner de mon alliance ; un homme sage n’est jamais pauvre. Dans deux jours vous reverrez ma fille, ne lui parlez point de mes sentimens, tâchez de découvrir les siens, & s’ils sont tels que je le desire, je vous donne ma parole que rien ne pourra jamais apporter aucun obstacle à votre mariage. Clitandre, pénétré d’amour, de respect & de reconnoissance, en remerciant Cléonbule des grâces qu’il lui faisoit, n’employa que des expressions simples, mais dont l’éloquence naturelle en fit sentir toute l’énergie.

Dès que Clitandre fut de retour, il se rendit dans l’appartement de Cléontine ; elle étoit seule, son abord la surprit, son air inquiet l’intimida : Clitandre s’appercevant du trouble qu’il lui causoit, resta quelque tems sans oser lui parler ; des soupirs échappés firent impression sur le cœur de Cléontine ; son ame, pénétrée de ses inquiétudes,