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de Milord Céton.

bonheur ; & pour s’assurer des sentimens & des vues que Clitandre pouvoit avoir sur son établissement, il l’engagea à venir passer quelques jours à sa maison de campagne ; Cléontine ne fut point de ce voyage ; son père l’en exempta, pour ne point être distrait dans le projet qu’il avoit formé de sonder le cœur de son amant.

Dès le soir même Clitandre fut poussé si vivement par Cléonbule que, malgre la résolution qu’il avoit prise de ne se point déclarer, il fut enfin forcé de lui faire l’aveu de sa passion : mais le nom de Cléontine expirant sur ses lèvres, son trouble l’empêcha de le prononcer. C’en est assez, reprit Cleonbule en l’embrassant, remettez-vous & ne craignez point de m’ouvrir votre cœur ; regardez-moi comme un père qui vous aime & qui depuis long-tems ne s’occupe que de votre bonheur. Parlez-moi naturellement, ma fille est-elle instruite de vos sentimens ? Croyez-vous qu’elle y soit sensible ? Clitandre rougit ; ce n’étoit ni la honte, ni la crainte des recherches qu’on eût pu faire sur sa conduite, cette rougeur provenoit d’un sentiment plus délicat ; il n’ignoroit pas l’empire que Cléonbule avoit sur sa fille : mais quoiqu’il l’aimât plus que lui-même, il auroit néanmoins renoncé au bonheur d’être uni avec elle, s’il eût pu croire qu’elle ne se fût donnée que par obéissance ; son trouble augmenta & l’empêcha de ré-