Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 18.djvu/308

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
302
Voyages

grand jour ses vertus. Les fréquentes conversations que nous eûmes à son sujet, m’apprirent que mon amie se dérerrnineroit volontiers en sa faveur, si les sentimens qu’il lui avoit inspirés se trouvoient conformes à ceux de son père.

Mais comment oser se persuader que Cléonbule fût aussi sensible au mérite de Clitandre que son aimable fille ? Cependant Clitandre ne s’étoit point encore déclaré : mais a-t-on besoin de paroles pour exprimer les tendres feux que l’amour inspire ? Tout ne nous l’apprend-il pas ? Mille soins empressés, des regards où brille le sentiment, cette crainte d’offenser, cette timidité dans ses expressions, cette douleur au moindre regard sévère, & mille autres petites observations qui n’échappent point à la vue d’une amante intéressée, & qui sont toujours les vrais interprètes du cœur.

Cléontine étoit plus rêveuse qu’à l’ordinaire, l’inquiétude qu’elle avoit sur son sort donnoit un certain air de langueur à ses yeux, qui la rendoit encore plus belle ; pour moi, convaincue de son attachement, je ne songeai qu’à fortifier ses espérances, dans la vue de la tranquilliser.

Cleonbule, qui depuis long-tems observoit nos deux amans, s’aperçut avec plaisir du tendre penchant qui entraînoit sa fille & la forçoit de donner la préférence à Clitandre. Charmé de cette heureuse découverte, il ne voulut pas différer leur