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Voyages

que la timidité, si naturelle à notre sexe, n’empêchât sa fille de lui déclarer ses véritables sentimens, ce tendre père s’attacha, pour s’en assurer, à étudier le caractère des personnes qui se rendoient assidûment chez lui : il examinoit les mouvemens de sa fille à leur arrivée & crut découvrir en elle un tendre penchant pour un jeune homme d’une figure intéressante & d’un mérite distingué ; ce jeune homme fixa son attention ; la vérité régnoit dans son cœur ainsi que sur ses lèvres ; Clitandre étoit son nom, il étoit le seul qui n’eût point encore osé se déclarer ; cette timidité ne venoit que de son peu de fortune. Cependant Cléonbule, convaincu des éminentes qualités qui brilloient dans le cœur de Clitandre, se détermina par un généreux mépris des richesses à lui donner la préférence, pourvu néanmoins que Cléontine ne fût point prévenue en faveur de quelqu’autre. Quel homme ! Quel père ! Quel tendre intérêt il prenoit au bonheur de sa fille & à celui de tous ceux qui l’entouroient.

J’ai un intérêt singulier à vous faire le portrait de Cléonbule : c’étoit un homme d’environ cinquante ans, grand & bien proportionné dans sa taille, mille graces étoient répandues sur toute sa personne, son air étoit majestueux, sérieux sans être farouche, un bon sens toujours guidé par la raison, un goût vif, mais délicat pour tout ce