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de Milord Céton.

ne vîmes au contraire que de ces vieillards dont l’esprit géométrique semble appliquer la règle & le compas aux louanges qu’ils daignent donner.

Ces graves personnes s’emparèrent de la conversation, parlèrent de leur jeunesse ; quelques-uns racontèrent les actions où ils s’étaient trouvés, sous la conduite de tels & tels qui commandoient les troupes ; d’autres répétoient de vieilles histoires qu’ils avoient déjà racontées le matin : on parla des propriétés qu’on avoit découvertes dans la matière qui devoit servir d’appui pour édifier des systêmes brillans, mais que la plus légère objection pouvoit faire écrouler. Ce seigneur écouta tous ces discours avec complaisance, y répondit avec justesse & précision, leur fit sentir que le plus éclairé d’entre eux peut à peine lever un coin du voile dont se couvre la nature, qu’il y a peu de vérités susceptibles de démonstrations, même parmi celles qui sont le plus universellement reçues. Les sublimes connoissances de l’homme se réduisent presque toujours à se contenter du probable, où ils n’arrivent encore que par la voie du doute. Quelle témérité n’y a-t-il donc pas, poursuivit ce seigneur, à vouloir sonder les profondeurs d’un abyme dont le bord est inconnu ? Personne n’osant contredire une réflexion aussi juste, chacun y applaudit, & la conversation finit. Nous sortîmes pour faire encore quelques