CHAPITRE III.
Le génie nous conduit dans la capitale de l’Abadie.
Nous étions au printems, & je crus voir l’Aurore
dans ses habits de pourpre ramener avec elle
les graces de la jeunesse, le badinage enjoué, les
ris, les jeux & l’amour ; qui en parcourant des
yeux les boccages & les prairies, semble sourire
d’avance à ses victoires prochaines. Déjà ce dieu
déploie son arc & son carquois redoutable, les
graces augmentent son cortège, & cette troupe
charmante arrive sur les premiers rayons que le
soleil envoie à la terre. On voit alors l’innombrable
essaim des oiseaux se jouer parmi des colonnes
enflammées qui traversent les nuages, & vont
saluer par leurs chants mélodieux le dieu du jour :
on voit aussi de jeunes roses pleines d’impatience
s’empresser de sortir du bouton ; on diroit que
chacune d’elles veut être la première à s’épanouir,
à exhaler ses doux parfums & à s’ouvrir à l’aspect
du printems : les zéphirs l’annoncent par leurs jeux
folâtres ; on les voit s’élancer de la colline dans
le vallon, ils voltigent dans les bocages, traversent
les forêts, & revoient avec un souris malin
les lieux où ils ont découvert à l’amoureux berger