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Voyages

illusion & laissent à leur présomption l’art de dissimuler leur incapacité. Mais, seigneur, je me suis peut-être un peu trop étendu, & je crains d’avoir fatigué votre attention.

Non, dit l’empereur, je suis très-satisfait de vos réflexions, & je vois avec plaisir que vos voyages ne vous seront point infructueux : il est certain que guidé par les lumières du génie, & en écoutant ses conseils, il ne sera pas difficile de réunir en vous tous les talens qu’il faut pour bien gouverner, parce que les défauts que vous avez remarqués dans les hommes, doivent être sans cesse présens à votre esprit, pour vous empêcher de tomber dans les mêmes fautes ; il est vrai, seigneur, repris-je, que l’on connoît mieux les autres qu’on ne se connoît soi-même ; les défauts d’autrui nous blessent bien plus que les nôtres ; la familiarité que nous avons avec nos passions, nous les déguise ; rien ne nous est nouveau en nous-mêmes, parce qu’il se forme, pour ainsi dire, une espèce d’habitude entre notre raison & nos foiblesses, qui les fait subsister ensemble : il n’en est pas de même de celles que nous découvrons chez les autres ; cette raison dont nous voulons nous parer, les examine, les poursuit & les condamne, tandis qu’elle se permet mille désordres qu’elle n’a pas la force de corriger. Il est aisé, dit l’empereur, de reconnoître par vos réflexions que vous avez très-bien profité des pré-