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Voyages

esprit en conjurant sa perte ; qu’il devoir actuellement regarder sa disgrace comme un chemin qui alloit le conduire à la perfection ; qu’il n’avoit plus qu’un pas à faire pour s’affranchir du joug des passions qui dominent les hommes vulgaires ; qu’avec un peu d’effort sur lui-même, il se rendroit maître de ses penchans ; qu’ensuite exempt de foiblesse, il jouiroit d’un sort, qui sans doute devroit être envié de tous les mortels.

Ce seigneur, pénétré jusqu’au fond du cœur des raisons que le génie venoit d’employer pour le consoler, en fut d’abord soulagé ; ses discours ressembloient à une étoile courante qui perce la nuit & laisse après elle un sillon de lumière pour montrer aux matelots le point de leur boussole, afin qu’ils puissent se mettre en garde contre les vents impétueux qui pourroient briser leurs vaisseaux sur la pointe de quelques rochers ; telle fut, dis-je, la vive impression que firent dans l’ame de ce courtisan les insinuations du génie.

Je rends grâce à la fortune, dit ce seigneur, de s’être servie de la malice de mes ennemis pour m’éclairer sur la nature du bien & du mal ; sans leurs trahisons & leur perfidie, je n’aurois peut-être jamais eu le bonheur de vous rencontrer, & ce n’est que par vous que j’apprends que l’adversité mise à profit, épure le cœur & le soumet à la raison ; j’avoue que d’abord je n’ai pas regardé mon