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Voyages

cupoit dans l’esprit des autres, après ce respect craintif qu’il se plaisoit à inspirer, après cet encens dont on tâchoit de l’enivrer, quoiqu’il employât, pour le dissiper, les procédés les plus obligeans ; il soupire enfin après mille fantômes pareils, sans lesquels il ne peut plus vivre, parce-qu’ils sont devenus la nourriture nécessaire d’un esprit empoisonné par le pernicieux venin de l’ambition.

Quoi que vous puissiez dire, reprit Monime, je me sens touchée des peines de ce seigneur ; son accablement me pénètre jusqu’au fond du cœur ; par égard pour ses rares qualités, accordez-moi, je vous supplie, la grace de le guérir de son ambition, puisque c’est le seul défaut que vous reconnoissez en lui. Vous le pouvez, mon cher Zachiel, faites, je vous en conjure, disparoître ses chagrins faites qu’il en oublie les causes ou qu’il les méprise ; faites enfin que sa vertu serve à le consoler des injustices qu’il a reçues du sort, & qu’il renonce à toutes ces idées de grandeur & d’élévation qui sont la source de ses maux ; ôtez-lui ce dégoût qu’il a pour la solitude, afin qu’il en puisse goûter les douceurs ; je voudrois au moins me flatter d’avoir vu chez les Joviniens un homme heureux par le seul secours de la raison. Je consens, charmante Monime, dit Zachiel, de vous satisfaire, le tendre intérêt que vous prenez aux peines de cet illustre