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de milord Céton.

des grandeurs s’empare seul de leurs desirs ; cependant cette avidité qu’ils ont de parvenir à des postes éminens les tourmente toute leur vie, & il arrive souvent que celui qui, à force de brigues obtient quelques grandes dignités, est dans de perpétuelles inquiétudes d’apprendre sa chûte à son réveil.

Il me paroît, dit Monime, que ce seigneur ne devroit guère regretter un poste qui le mettoit dans des angoisses continuelles ; il devroit au contraire bénir le ciel, qui, en le délivrant de tant d’embarras, le met encore à portée de vivre tranquillement. Je suis sûr, belle Monime, dit le génie, que ce courtisan ne regrette que trop la place qu’il vient de perdre ; ce n’est pas que son cœur y ait fait naufrage : non, il y a conservé sa bonté & sa générosité ; mais l’habitude des honneurs lui a gâté l’esprit ; il regrette ce fracas dans lequel il vivoit, il regrette ces mouvemens que tout le monde se donnoit pour parvenir jusqu’à lui quand il avoit l’oreille de son maître ; ces flatteurs dont il se moquoit dans le tems de son élévation, & qui regardoient comme un bonheur de se le rendre favorable, lui manquent ; il ne voit plus ces airs timides & rampans qui divertissoient sa vanité, il n’est plus à portée de faire la destinée de personne, ses faux amis n’ont plus d’intérêt à le ménager ; il soupire après cette place qu’il oc-