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avoir une cour, ou du moins quelques amis qui cherchent à l’amuser : la dissipation met un baume dans le sang, qui contribue beaucoup au rétablissement de la santé ; sans doute qu’il n’a quitté la Cour que pour venir ici se fortifier.

Vous vous trompez, dit Zachiel, ce qui cause l’abattement de ce seigneur, ne vient que de l’ordre qu’il a reçu de s’éloigner de la cour. Il est vrai que c’est une furieuse maladie pour un courtisan, d’être forcé de vivre dans ses terres. Par quelle raison, demandai-je, l’a-t-on exilé ? C’est, dit le génie, parce qu’il n’a point eu assez d’adresse pour se maintenir dans la faveur, parce que son intrigue n’a pas été supérieure à celle de ses ennemis, parce qu’il n’a pu abattre lui-même ceux qui l’ont perdu, parce qu’il s’est fait des ennemis de ceux qu’il a le plus obligés ; ce sont là ses crimes.

Ce seigneur, poursuivit le génie, est naturellement bon, il est né obligeant, il a l’ame pure, les mœurs & la conduite d’un parfait honnête homme ; je sais qu’il n’est tombé dans la disgrace du prince, que faute d’avoir cette ardente méchanceté par laquelle on vient à bout de perdre ses ennemis ; c’est le chef-d’œuvre de l’esprit d’un courtisan. Chez les Joviniens chacun n’est occupé que de son élévation & de sa fortune ; c’est ce qui produit d’illustres trompeurs. La mauvaise réputation leur est indifférente, l’injustice les touche peu, l’amour