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Voyages

licence de leur conduite ; ils étalent leurs vices avec ostentation, & tirent vanité de leur deshonneur. La plupart se livrent à la volupté, moins pour jouir des plaisirs que pour avoir lieu de se flétrir eux-mêmes, en se glorifiant de la bassesse de leurs sentimens. Nés dans la source impure du crime, nourris avec ce qu’il y a de plus contagieux, livrés entièrement à leurs goûts, la vertu ne leur paroît plus qu’un être chimérique, ils ne reconnoissent que le mal ; c’est-là ce qui les use avant le tems, & ce qui abrège leurs jours.

Nous arrivâmes dans une grande ville, dont les rues étoient remplies d’une multitude infinie de peuple. Monime demanda à Zachiel ce que signifioit ce grand concours de monde. C’est, dit le génie, pour voir la cérémonie d’un convoi qui se doit faire à minuit. C’est donc quelque chose de bien extraordinaire, lui dis-je ? Non, dit Zachiel, rien n’est si ordinaire que de voir mourir, la nature y assujettit tous les hommes ; mais rien n’est si singulier que les cérémonies qu’on emploie chez les Joviniens pour leurs enterremens ; ici il n’est permis qu’à des bourgeois de faire enterrer leurs parens aussi-tôt qu’ils sont morts, sans les partager, & il est de la grandeur d’un seigneur d’être gardé tout au moins sept ou huit jours : il faut pour cela qu’il soit embaumé ; on l’étend sur une table, on lui arrache les entrailles qu’on met dans un baril.