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couru. Ce tendre père, pénétré de la plus vive, reconnoissance envers Amilcar, ne put d’abord la lui exprimer qu’en lui mouillant le visage de ses larmes. Le jeune amant aussi touché que lui, profita de cet instant pour lui déclarer l’amour qu’il avoit conçu pour les rares qualités de sa charmante fille, en protestant qu’aussi-tôt qu’il seroit en âge de disposer de son sort, il juroit foi de gentilhomme qu’il n’auroit jamais d’autres desirs que celui de s’unir à l’aimable Lucinde, le suppliant de ne point donner sa parole à d’autres. Cilindre le lui jura en le serrant de nouveau dans ses bras : soyez persuadé, Seigneur, ajouta Cilindre, que ce n’est ni aux biens ni aux honneurs que je me rends ; mais c’est à cette noble générosité, à cette délicatesse de sentiment, & à la sincère ardeur que vous me faites paroître, qui, en faisant la félicité de ma fille, va aussi mettre le comble à la mienne, car je ne fais nul doute qu’elle n’ait pour vous les mêmes sentimens. Cette réflexion fit rougir Lucinde, & le malicieux Cilindre s’appercevant de son trouble, lui dit en l’embrassant : je prends, ma chère fille, ce silence pour un aveu de votre tendresse ; vous l’avez trop bien placée pour que je puisse jamais m’en plaindre.

Cette belle fille rassurée par ces dernières paroles, jugea qu’elle devoit encore instruire son père de l’amour qu’Ardillan ressentoit pour elle, de la