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de milord Céton.

voix presque éteinte, qu’attendent donc ces misérables pour m’arracher un reste de vie qui ne peut plus que m’être à charge ! Quoi ! la pitié pourroit-elle à présent trouver place dans le cœur d’un barbare assassin ? Rassurez-vous, chère Lucinde, dit mon frère, en baignant de ses larmes une des mains de cette infortunée, que la pitié, l’amour, la douleur & l’amitié faisoient couler, votre amant, poursuivit-il, en lui montrant Amilcar étendu à ses pieds sans aucun mouvement, vient de vous en délivrer. Juste ciel ! s’écria Lucinde, ah ! ne m’avez-vous rappelée à la vie que pour me rendre le témoin d’un spectacle qui me déchire le cœur ! Alors se roulant, pour ainsi dire, à côté d’Amilcar, elle le prit dans ses bras, & ce tendre amant se sentant ranimé, ouvrit enfin les yeux ; mais la joie qu’il ressentit de voir Lucinde qui le serroit sur sa poitrine d’un air si attendri, fut telle, qu’oubliant dans l’instant le malheur qui venoit d’arriver, il se crut transporté dans une isle enchantée. Je ne puis vous rapporter, madame, tous ce que ces deux amans se dirent de tendre & de touchant.

Mon frère, témoin de leurs discours, & forcé de renfermer son amour au-dedans de lui-même, ne pouvant résister à une si rude contrainte, les interrompit pour leur dire qu’un plus long entretien pourroit leur faire tort, qu’il étoit tems de songer à visiter les blessures de Lucinde, qui peut-être