Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 18.djvu/184

Cette page a été validée par deux contributeurs.
179
de milord Céton.

apprendre des nouvelles de Lucinde ; mais quand il apprit qu’elle n’étoit plus au château, il en fut charmé, connoissant son père capable de tout entreprendre pour se satisfaire.

Mon frère, quoique piqué au vif de ce qu’Ardillan ne lui avoit fait aucune politesse, engagea néanmoins son ami de venir passer la nuit chez moi, ce qu’Amilcar accepta d’autant plus volontiers, que cela le mettoit à portée de voir Lucinde avant son père, qu’il jugeoit n’avoir fait le voyage que pour le même objet.

On étoit alors sur la fin de l’automne & dans les plus courts jours de l’hiver ; le bois qu’il falloit traverser n’étoit pas sûr ; la nuit étoit des plus obscures ; ils marchoient en silence, lorsqu’ils entendirent les cris étouffés d’une femme qu’on forçoit à se taire en lui tenant un mouchoir sur la bouche. Mon frère, saisi de frayeur, trouva qu’il n’y avoit point de bravoure à se battre contre des brigands dont on ignoroit le nombre, & fut d’avis de retourner sur leurs pas ; mais Amilcar, loin de l’écouter, poussa son cheval du côté d’où partoient les cris ; quand la lune qui commençoit à dissiper les ombres de la nuit, leur fit appercevoir deux hommes occupés à dépouiller une femme que la frayeur avoit rendue immobile. Ces deux misérables entendant du bruit, abandonnèrent cette femme pour venir se saisir de la bride des chevaux