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Voyages

jusqu’au tombeau. Amilcar qui entra, interrompit cette conversation ; il annonça à son père qu’un courier l’attendoit de la part de l’Empereur. Ardillan, très-fâché de ce contretems, sortit en disant à son fils de le suivre. Ce courier apportoit un ordre de l’empereur de se rendre auprès de lui, c’est pourquoi il ne put différer d’un instant : mais pour ôter à son fils les occasions de voir Lucinde, il lui ordonna de l’accompagner, ce qu’il n’osa refuser, dans la crainte d’augmenter les soupçons de son père qui étoit de ces vieux courtisans difficiles à tromper. Amilcar n’eut donc que le tems d’écrire deux mots sur ses tablettes & de les donner au chirurgien qui vint prendre congé de lui.

Cependant Lucinde, livrée à elle-même, eut le tems de réfléchir sur son aventure ; d’abord elle se représenta Amilcar avec tous les agrémens dont il étoit doué, & comparant l’air respectueux du fils avec le ton & les expressions méprisantes du père, elle ne put douter que ce dernier ne cherchât tous les moyens les plus humilians de la deshonorer ; c’est pourquoi, dès que son père fut en état d’être transporté sans incommodité, elle le supplia de retourner dans leur château, ou pour mieux dire, dans les débris d’un vieux bâtiment où à peine il restoit deux chambres entières, & dont le colombier étoit ce qu’on avoit conservé avec le plus de soin. Cilindre eut assez de peine à s’y résoudre, se