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Voyages

soyons forcés à vous incommoder encore long-tems. Dites plutôt, reprit Amilcar, à me combler de plaisir par votre présence. Soyez certaine, belle Lucinde, que s’il étoit en mon pouvoir de prolonger la maladie de monsieur votre père sans qu’il en souffrît aucun dommage, il n’y auroit rien que je ne fisse pour vous arrêter le plus long-tems que je pourrois. L’impression que vous avez faite sur mon cœur ne peut jamais s’effacer. Ne soyez point surprise de ma déclaration, les momens sont précieux lorsqu’il s’agit de conserver ce qu’on aime ; & si je ne craignois d’être prévenu par mon père, je n’aurois commencé à vous faire connoître mes sentimens que par mon respect & mes attentions. Pardonnez donc, divine Lucinde, si j’ose déclarer un amour qui ne finira qu’avec ma vie.

J’aurois tout lieu de m’offenser d’un discours qui m’outrage, dit Lucinde d’un air irrité, si je n’étois persuadée que vous êtes trop honnête homme pour vouloir enfreindre les loix de l’hospitalité en vous moquant d’une fille qui n’est déjà que trop affligée par la douleur de voir un père à qui vos gardes ont presque ôté la vie : mais, seigneur, je veux bien croire que vous m’aimez, & comme je ne puis jamais répondre à un amour qui ne peut être, de votre part, qu’illégitime, puisque je n’ignore pas que votre naissance vous destine aux partis les plus considérables de l’état ; je vous prie donc de vou-