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de milord Céton.

la quitta sans attendre sa réponse & vint rejoindre la compagnie.

Comme la saison étoit déjà fort avancée, on se mit à jouer, ne pouvant plus jouir du plaisir de la promenade. Lorsqu’Amilcar vit son père engagé dans une partie de jeu, il sortit sans être apperçu & courut à l’appartement de Lucinde dont le père venoit de s’assoupir. L’espérance que le chirurgien lui avoit donnée d’une prompte guérison avoit arrêté ses larmes, ranimé son teint, & il ne lui restoit plus qu’un certain air de langueur occasionné par une suite du saisissement qu’elle avoit eu en apprenant le malheur de son père ; mais cette langueur rendoit sa beauté si touchante, qu’Amilcar, saisi d’amour & d’admiration, resta quelques instans à la contempler. Lucinde qui s’en apperçut en fut un peu troublée, son front se couvrit d’une rougeur qui accompagne toujours l’innocence ; elle baissa les yeux, & cet intervalle de silence fut le signal du commencement de leur passion. Pardonnez, charmante Lucinde, dit Amilcar, si j’ose paroître ainsi devant vous sans m’être fait annoncer ; inquiet de la santé de monsieur votre père, je n’ai pu différer plus long-tems à venir m’en informer. On ne peut être, seigneur, dit Lucinde, plus sensible que je le suis aux soins que vous prenez ; on me flatte que son accident n’aura aucune suite fâcheuse ; cependant je crains bien que nous ne