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Voyages

prendre mon silence pour un aveu de mon ignorance, il voulut bien condescendre à m’étaler les plus beaux traits de sa rhétorique, pour me persuader que ses opinions portoient un caractère infaillible de grand, de beau & de généreux, mais tout son savant discours ne servit qu’à me faire connoître que l’esprit d’ordre & d’arrangement est regardé chez les Joviniens comme une folie & une petitesse indigne de leur noblesse. Rien n’influe davantage chez eux que le luxe, c’est qu’on n’y estime que les gens qui sont richement vêtus ; la parure y donne pour le moins autant de relief que la bonne réputation. On s’attache moins à connoître les mœurs d’un homme, qu’à s’informer si sa garderobe est bien montée, si ses meubles sont élégans, si son équipage est leste, si ses chevaux sont courte queue, si son cocher a des moustaches, & si son portier a la marque de distinction que doit avoir un portier du bon ton.

En général, tous les Joviniens aiment l’éclat, leur gloire est d’égaler ceux que la naissance & la fortune a placés au-dessus d’eux ; ils veulent se distinguer de leurs égaux ; l’exemple les séduit, la mode les entraîne, mais l’un & l’autre les portent souvent à de grands excès. Ils aiment peu, & par un juste retour ils sont peu aimés. Toute leur affection se borne à trois ou quatre objets, leurs chiens, leurs laquais, leurs chevaux & leurs équipages,