Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 18.djvu/167

Cette page a été validée par deux contributeurs.
162
Voyages

goût éclairé & judicieux, ce discernement juste & délicat, qui ne se laisse point éblouir par les apparences, qui cherche à pénétrer les matières & à en saisir le point principal, & enfin cette morale qui apprend à se connoître & à apprécier le mérite des autres ; cette étude si essentielle on la néglige, on ne leur inspire que la fierté & le desir de plaire aux femmes ; & toute leur instruction se borne à quelques devoirs superficiels où le cœur n’a aucune part ; on ne leur présente les objets que par ce qu’ils ont de faux ; on leur communique des erreurs, des opinions dangereuses, & on parvient enfin à leur gâter le cœur, & à ne remplir leur esprit que d’idées de grandeur & d’établissement.

Il seroit du dernier ridicule à un Seigneur de donner quelque attention aux affaires de sa maison, ces soins sont encore confiés à plusieurs économes qu’on peut regarder comme leurs tuteurs, & qui leur font payer bien cher le droit de curatelle ; à l’exemple de ceux-ci, les autres domestiques les volent à discrétion. J’étois un jour chez un de ces Seigneurs, chez lequel j’allois très-familièrement, lorsque son premier valet de chambre, vieux domestique attaché depuis long-tems à sa maison & fort affectionné à ses intérêts (peut-être étoit-il le seul qui fût borné au profit de ses gages) ce domestique, fâché de voir la maison de son maître aller en désordre, profita de ma présence