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seul fils ; c’est ce qui fait que la plupart des grands noms s’éteignent parmi eux, ou plutôt ils le seroient depuis long-tems sans le secours des généalogistes, qui ne s’occupent qu’à les faire revivre par des mensonges. Autrefois la noblesse ne se piquoit point de science ; toutes leurs études se bornoient aux usages & aux bienséances du monde ; à peine se permettoient-ils de savoir écrire : griffonner leur nom étoit tout ce qu’il leur falloit ; par la même raison on les voyoit fort peu occupés de l’éducation de leurs enfans ; ils les voyoient une fois le jour à deux ou trois heures, un moment avant le dîner, sans s’informer de ce qu’ils avoient fait dans la matinée, ni se mettre en peine de ce qu’ils feroient le reste de la journée ; on leur donnoit un gouverneur, mais pour la forme ; s’il vouloit les instruire, on craignoit qu’il ne les fatiguât ; s’il osoit se plaindre d’eux, c’était un pédant insupportable qui ne gagnoit que la haine du père & du fils.

Cependant, malgré ce peu de soin, rien ne flatte davantage les pères & mères que les bonnes dispositions qu’ils remarquent dans leurs enfans ; mais rien ne les touche moins que l’obligation où ils sont de cultiver ces heureuses dispositions : ils s’imaginent avoir pleinement rempli leur devoir, en se reposant sur un gouverneur, du soin de leur éducation, jusqu’à ce qu’ils soient parvenus à