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de milord Céton.

cordons, de médailles ou d’autres attributs d’Ordre de chevalerie, les cachent ou les mettent dans leur poche.

On nous conta à ce sujet une aventure arrivée récemment à un Seigneur nommé Paragon, qui s’étant rencontré dans un endroit sort suspect, sans aucune marque de distinction, y fut grievement insulté par quelques spadassins, hommes du peuple qui n’ont d’autres talens que celui de savoir bien espadonner. Paragon échauffé par le jus de bacchus, l’étoit aussi par les agaceries d’une nymphe qui, loin de soupçonner sa dignité, le regardoit comme un de ces vieux débauchés très-propres à plumer ; dans cette vue elle cherchoit à lui faire perdre le peu de raison qui lui restoit, afin de tâcher de le dépouiller entièrement. Sa bourse déjà escamotée, on lui tira ses bijoux l’un après l’autre, mais lorsque Paragon s’aperçut qu’il lui manquoit une grosse boîte d’or, renfermant le portrait de sa maîtresse, il la redemanda avec empressement ; la dame du tripot nia d’abord l’avoir vue. Paragon, qui auroit donné une partie de sa fortune pour ravoir sa boîte, s’emporta & se servir d’épithètes qui, quoiqu’elles convinssent à la profession de cette femme, ne laissèrent pas de l’offenser ; elle y riposta avec les mêmes accompagnemens dont s’étoit servi Paragon ; la dispute s’échauffa, les spadassins s’en mêlèrent,