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de milord Céton.

faire confidence de son projet, en le priant de lui indiquer les moyens de réussir.

Le maître, charmé de trouver une occasion de faire la fortune de ce domestique sans qu’il lui en coûte rien, commença par le badiner sur sa nouvelle grandeur, & finit par lui conseiller d’aller trouver un généalogiste, & de le tenter par une somme considérable, dont il promit de répondre. Jarnac n’eut pas besoin de la caution de son maître, l’argent qu’il avoit su économiser chez lui, servit à gagner le généalogiste. Une bourse pleine d’or, avec la promesse d’en donner deux fois autant, en cas de réussite, fit si bien ouvrir les yeux au docte parcheminier, qu’il lui fabriqua plusieurs beaux & bons contrats, sur la foi desquels il fut déclaré descendre en droite ligne des premiers ayeux du Seigneur de Jarnac, & le riche héritage lui fut accordé de plein droit : mais par une noble délicatesse, & pour satisfaire son amour, il se prêta de bonne grâce à consoler la jeune héritière, en lui offrant de l’épouser & de partager avec elle sa fortune. Jarnac étoit d’une très-jolie figure, d’une taille admirable ; il savoit copier parfaitement son maître ; & dès qu’il fut seigneurifié, il en prit bientôt toutes les façons. La demoiselle ne laissa échapper aucune de ses qualités : ainsi, soit qu’elle crût de bonne-foi qu’il pouvoit appartenir par quelque côté à la maison de Jarnac, où qu’elle