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Voyages

gué : cette demoiselle, déjà très-riche, étoit venue à la ville pour se faire adjuger une succession considérable, se croyant la seule qui fût en droit de la recueillir, lorsqu’un villageois vint anéantir toutes ses espérances. Cet homme sortit très-jeune de son village pour entrer chez une dame en qualité d’housard.

C’est un usage parmi les dames Joviniennes, presque toutes font élever de petits garçons qu’elles habillent d’une façon grotesque pour se faire porter la robe ; celui-ci s’étoit produit en cette qualité chez cette dame, elle lui avoit fait prendre le nom de son village qui est celui de Jarnac. Devenu grand & fort intelligent, elle le plaça auprès d’un jeune petit-maître, que la chronique dit avoir été son amant. Quoi qu’il en soit, Jarnac sut si bien s’insinuer dans l’esprit de son maître, qu’il gagna entièrement sa confiance & y amassa beaucoup d’argent, ce qui par la suite le faisoit vivre dans la maison avec une sorte de distinction.

Le hasard fit un jour rencontrer Jarnac dans un endroit où on lui montra l’héritière de son seigneur. Surpris d’apprendre qu’il étoit mort sans postérité, & charmé en même tems de la beauté de cette demoiselle, il revint à l’hôtel tout rêveur. D’abord l’amour lui fit naître l’idée de profiter de son nom pour se porter héritier de ce Seigneur. Sûr de l’amitié de son maître, il ne balança point à lui