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Voyages

dont les raisons qui le déterminoient à la nommer ainsi.

Nous commençâmes par visiter les provinces les plus considérables de la Jovinie. Arrivés dans une de leurs capitales, nous fûmes introduits chez les plus grands Seigneurs, car presque tous les Joviniens veulent trancher du grand ; tout le monde veut être noble à quelque prix que ce soit, parce que la noblesse vend dans ce monde de même qu’on vend du drap dans le nôtre. Un artisan, un marchand, un financier, traite de la noblesse comme on fait en Angleterre pour le fret d’un vaisseau : aussi on y voit de la noblesse à tout prix ; & pourvu qu’on ait de l’argent, le chemin pour y parvenir est presque tout fait. Lorsqu’on est en état d’acheter une terre, on croit aller de pair avec la plus haute noblesse ; on est déjà Seigneur rentier, on dit mes vassaux, on jouit du droit de chasse, on parle de son château, on roule en équipage, on porte le nom de sa terre, & bientôt on est branché de la famille des anciens possesseurs.

On nous conta l’histoire d’un gros paysan qui prit la ferme d’une terre à très-bon compte. Le propriétaire, peu soigneux de son bien, l’avoit laissé dévaster ; mais le paysan fin & rusé ; qui en connoissoit les limites, les fit valoir, la cultiva avec grand soin, fit plusieurs avances à son