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de milord Céton.

qu’il est de la dignité d’un grand Seigneur d'avoir pour maîtresses des filles de théâtre ; mon maître, qui ne déroge en rien à cet usage, en prit une nouvelle hier au soir & s’en est dégoûté ce matin. Ce Seigneur généreux dans toutes ses actions, pour éviter les reproches de la belle, lui envoie deux cens louis, qui sont sans doute le prix qu’elle met à ses faveurs ; comme son plus zélé serviteur, il me les a remis ce matin pour les donner à cette nymphe ; la probité dont je fais gloire ne me permet pas d’en rien ôter, mais la galanterie où je me pique aussi d’exceller, à l’exemple de mon maître, semble me convier de me servir de cette même somme pour tâcher d’obtenir de la belle une petite part dans ses bonnes graces : c’est ce qui m’a fait prendre le parti de lui écrire sous le nom d’un Seigneur étranger. Je ne vous cacherai point que j’ai copié ce billet sur un des brouillons de mon maître, pour lui annoncer d’un style aussi familier, que je comptois aller souper chez elle en sortant du spectacle, en lui portant une offrande assez considérable pour la rendre sensible à mes feux ; j’en ai reçu une réponse conforme à mes desirs. Vous voyez, Monsieur, que je ne fais aucun tort à mon maître, si je puis, à la faveur de l’encens qu’il me charge d’offrir à cette déesse, participer aux mêmes faveurs, ne pouvant autrement les obtenir.