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Voyages

Cette question démonta d’abord mon jeune homme, il ne put dissimuler son embarras ; mais prenant aussi-tôt son parti : Monsieur, me dit-il à l’oreille, de grace, ne me perdez pas auprès de mon maître ; je ne puis nier que ce ne soit moi qui vient de vous verser à boire à la table de Monseigneur. Je vous avouerai ingénument qu’il m’a pris aujourd’hui une si forte envie de trancher du petit-maître, que je n’ai pu y résister ; Monseigneur me fait l’honneur de me distinguer de ses autres domestiques, je suis ce qu’on appelle son grison ; c’est moi qui l’accompagne ordinairement dans ses expéditions nocturnes ; c’est-à-dire, repris-je, qu’il est l’Amphitrion & que tu es son socle. Précisément, Monsieur, dit ce jeune éveillé, enhardi par ma plaisanterie ; comme mon maître vient de partir pour la campagne où il doit rester deux jours, j’ai voulu profiter de ce tems pour voir si je pourrois le copier dans plus d'un rôle. Je crois qu’il vous est aisé de remarquer que je ne suis paré que de ses plumes ; mais ce n’est pas là le plus intéressant de mon histoire, & si Monsieur me le permet, j’aurai l’honneur de lui faire part d’un projet qui est sur le point de la conclusion. L’effronterie de ce domestique m’amusant beaucoup, je consentis à l’entendre.

Vous n’ignorez pas, Monsieur, poursuivit-il,