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de Milord Céton.

avoit suivis, employoit tout ce que la raison put lui dicter pour adoucir mes maux. Mais à peine deux jours s’étoient écoulés que le ciel se couvre d’affreux nuages, d’horribles météores se font voir, la mer se gonfle, & ses flots mugissans présagent la tempète, le matelot saisi d’horreur, annonce par ses cris une mort inévitable ; dans cet affreux désordre, tranquille au milieu des dangers : juste dieu ! m’écriai-je, tu poursuis ta victime, elle ne peut échapper à tes coups ; pardonne au moins à ce peuple innocent de ma fuite, prolonge les jours d’un père malheureux qui a toujours aimé & chéri la vertu, & reçois enfin le sacrifice de ma vie. En achevant ces mots je me précipite dans la mer ; mais Neptune refusant de me recevoir, me rejette dans une isle déserte, où je reste sans connoissance.

Un terrein pierreux & inégal, semble défendre l’approche de ce lieu à tout autre qu’aux animaux malfaisans, aux reptiles venimeux & aux monstres dont il doit être le repaire ; un torrent qui se précipite du haut d’une montagne aride vient se briser avec fracas contre des rochers énormes ; l’onde bouillonnante & couverte d’écume rejaillit au loin, & par sa course incertaine & fangeuse, met le comble aux horreurs de cette effroyable solitude.

Lorsque j’eus repris mes sens, je crus voir la nature expirante, rien de si effrayant ne s’étoit encore offert à mes yeux ; une vaste plaine dépouillée