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Voyages

heureux sort qui m’étoit destiné, ne fit que soupirer ; ses regards inquiets parcouroient tristement mon cabinet : tu trouves, repris-je, que je suis long-tems seule, cela t’afflige ; mais en effet, pourquoi cet abandon ? Ces lâches courtisans, dont il y a deux heures j’étois encore entourée, regarderoient-ils mon voyage comme un exil ? Par quel endroit l’aurois-je mérité ? Toujours soumise aux ordres du roi mon père, je n’ai jamais desiré d’autre gloire que celle de m’en faire aimer. Fenix, ma chère Fenix, parcours ce palais, informe-toi de tout ce qui s’y passe ; tâche sur toutes choses, ma Fenix, d’apprendre la réponse de l’oracle.

Mais que vois-je ! le roi s’avance ; que signifie cet air sombre ? Hélas ! que vient-il m’annoncer ? dieux ! veillez du moins sur des jours si chers, & s’il vous faut une victime, acceptez le sacrifice que je vous offre de ma vie, & ajoutez mes jours à ceux d’un roi qui vous a toujours respectés. Ah, mon père ! par pitié pour vous & pour moi, cessez d’accabler une malheureuse princesse tourmentée par des craintes mille fois plus cruelles que la mort. Par quelle affreuse fatalité faut-il que je m’éloigne de vous ? Qui peut vous avoir inspiré une résolution si contraire mon repos ? Comment ai-je pu tomber dans la disgrace de mon père & de mon roi ? Au nom des dieux, expliquez un mystère dans lequel toute ma raison s'abîme & se confond.