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Voyages

Cette réponse me fut d’abord cachée avec un soin extrême ; mais lorsque j’eus appris le retour de l’envoyé, je passai dans l’appartement du roi mon père, pour y apprendre de lui-même si les dieux s’étoient enfin expliqués ; je m’approche dans l’espoir de recevoir ses tendres embrassemens ; que vois-je ! mon père interdit recule à mon aspect, une pâleur mortelle couvre son front, ses yeux éteints par la douleur, se détournent de dessus moi, il les élève ensuite avec les bras vers le ciel : dieux injustes s’écrie-t-il, & il reste immobile ; un instant après il ordonne qu’on se retire & qu’on fasse venir la princesse sa fille. J’étois seule dans son cabinet ; saisie d’effroi, mes genoux tremblans pouvoient à peine me soutenir, & le cœur palpitant de crainte m’ôtoit presque la respiration : ô mon père ! m’écriai je d’une voix entrecoupée, en tombant à ses pieds, de grace soulagez votre douleur en m’apprenant de quels nouveaux malheurs nous sommes encore menacés ; hélas ! qui peut occasionner le trouble qui vous agite ? Que l’état où je vois mon père me fait regretter ces jours tranquilles que nous passions dans la retraite ! Au nom des dieux… levez-vous, ma fille, & cessez d’implorer des dieux dont la puissance supérieure ne sert qu’à les rendre plus injustes & plus insensés.

Surprise d’entendre de la bouche de mon père un discours si opposé aux sentimens de piété qu’il avoit