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Voyages

donnant le jour ; un seul domestique avec ma nourrice formoient toute sa suite, & ce malheureux prince prit encore lui-même le soin de mon éducation ; mais beaucoup plus grand que ses malheurs, il m’instruisit des miens dès que ma raison commença à se développer.

Ma chère Sephise, me dit un jour mon Père en me serrant tendrement dans ses bras, toi seule fais ma joie & mes maux, tu fais ma félicité & ma peine, sans toi la vie me seroit à charge, & ce n’est que pour toi qu’elle me devient un supplice. Hélas ! toute ma philosophie m’abandonne, lorsque je réfléchis au déplorable sort qui nous accable. Pourquoi faut-il que le destin, toujours contraire à mes vœux, nous force de vivre sans cesse dans la plus cruelle humiliation, tandis qu’un usurpateur triomphe de nos maux !

Hélas ! s’écria Sephise en s’interrompant elle-même, peut-être qu’en ce moment j’offensois les dieux, en pensant qu’ils venoient d’ôter à mon père le bon-sens & la raison ; je le regardois avec des yeux où sans doute la douleur de le voir dans cet état étoit peinte : oh, mon père ! lui dis-je en me jetant à son col & baignant son visage de mes larmes, qui peut donc vous troubler à ce point ? Hélas ! trop contente de mon sort, je le préférerois toujours à toutes les couronnes de l’univers, & ne formerois jamais d’autres vœux que pour la