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Voyages

prendre la route ; mais en traversant le monde de Mars, de tendres plaintes ont frappé mes oreilles ; surpris de les entendre je descends, perce les nues, & j’apperçois à la foible lueur des étoiles un vieillard respectable qui me parut être dans la plus grande désolation. J’ai écouté longtems ses plaintes sans me rendre visible : un confident qui l’accompagnoit lui représenta le danger où il s’exposoit s’il venoit à être découvert ; le vieillard ne lui répondit que par de profonds soupirs, puis se tournant vers la mer & s’appercevant par son murmure qu’elle commençoit à s’agiter : justes Dieux ! s’écria-t-il, serez-vous toujours insensibles à mes prières ? Et vous, vents impétueux, respectez le vaisseau fragile qui porte l’objet de mon amour ; doux zéphirs, écartez les orages, rangez-vous à la poupe, enflez doucement les voiles ; ondes, aplanissez-vous, & qu’un sillon léger, effleurant votre sein paisible, indique à peine la trace de sa course rapide ; rochers, écartez-vous de son passage ; nuages, formez un voile qui la dérobe aux yeux de ceux qui pourroient la trahir ; & vous lune au teint d’argent, que votre douteuse lumière favorise cette heureuse fuite, ralentissez votre course, gardez-vous d’atteindre l’horizon, attendez, pour disparoître, que l’aube du jour lui prête le secours de son flambeau.