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Voyages

naire qu’emploient leurs poëtes pour acquérir leurs suffrages, c’est de recourir à des fictions extraordinaires qui tiennent du merveilleux outré. Les lunaires se laissent aisément séduire par tout ce qui porte en soi quelque marque de singularité : la noble simplicité, l’exacte ressemblance dans les mœurs, la sage conduite dans les incidens, les frappent moins que des événemens inattendus où manque la vraisemblance.

Le lendemain nous fûmes nous promener à la foire. Je veux, me dit Damon, vous faire voir ma marchande, qui est toute gentille, maniérée, pleine d’esprit, sémillante au possible. Bon jour, la belle enfant ; quel teint vermeil ! comme elle est jolie ! qu’elle est bien coëffée ! Elle a en vérité des graces jusqu’à la pointe des cheveux. Regardez ses yeux fripons, ils sont significatifs ; & ses sourcils, comme ils sont arrangés, & cette bouche si bien ornée. Savez-vous, mon bel ange, que je vous adore ? Vous avez là un tour de gorge divinement travaillé : sur mon honneur, on n’a jamais vu de dentelle d’un dessein aussi appétissant. Est-ce une blonde? Permettez que je l’examine. Finissez, monsieur, dit la marchande, je ne vous vois ici que pour badiner : je n’y suis que pour vendre ma marchandise, & je n’ai pas le tems d’écouter toutes