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Voyages

Alors je dévoilai au prince les tendres sentimens que la princesse avoit conçus pour ses rares vertus, que la renommée ne cessoit de publier dans tout le monde. Je ne crus pas non plus devoir lui cacher tous les combats qui s’étoient élevés dans son ame par le desir de se déclarer, la crainte d’en trop dire, celle d’une paix qui ruinât toutes ses espérances. Je n’ai pu voir, ajoutai-je, cette infortunée princesse, sans être touché. Une impression de langueur & d’abattement, en éteignant la vivacité de sa physionomie, la rend plus intéressante ; ses yeux ternis par la douleur, semblables aux rayons du soleil échappés à travers les nuages, lancent, comme eux, des feux plus piquans ; son humiliation a toujours les graces de la modestie ; on ne peut la voir sans la plaindre ni l’écouter sans admiration.

J’eus le bonheur, par mon récit, d’inspirer au prince Aricdef un ardent desir de voir la princesse & de lui offrir tous les services qui dépendroient de lui. Le prince fut prendre congé du roi. Ce monarque, qui l’aimoit beaucoup, surpris d’un départ aussi précipité, voulut savoir les raisons qui pouvoient l’obliger de s’éloigner si-tôt de sa cour. Aricdef, qui s’attendoit à cette question, n’hésita pas à satisfaire le roi. Il lui fit le détail de toutes les